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Just A Flic
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19 septembre 2008

Une page d'Histoire

Il y a quelques jours, alors que je promenais tranquillement en forêt avec ma petite famille, j'ai rencontré Françoise. Françoise est une femme âgée de 76 ans qui en parait 55 à peine, grande, les cheveux gris longs tressés, la démarche volontaire de ses femmes dynamiques qui refusent de devenir une grand mère, portant une jean et des baskets. Elle ne fait pas son âge et tient comme à la prunelle de ses yeux à son statut de Mademoiselle: Mademoiselle Françoise. Je me suis souvenue d'elle parce que cette femme m'avait émue en m'offrant un cadeau inestimable: une part de son Histoire.

Elle était entrée dans le commissariat pour déposer plainte suite au vol de son sac à main. Elle l'avait laissé dans sa voiture, juste le temps pour elle de conduire son chien Merlot chez le vétérinaire, et à son retour, a constaté que la vitre était brisée et ses effets envolés. Elle n'avait aucun papier sur elle: je lui avais donc demandé de revenir avec un extrait d'acte de naissance ou un livret de famille pour justifier d'un début de commencement d'identité, et lui avais donné mon prénom pour qu'à son arrivée à l'accueil, on puisse me prévenir et éviter de la faire attendre. Je ne fais jamais ça d'habitude, mais j'ai apprécié de suite cette femme drapée dans sa dignité qui pestait contre ce monde qui allait à sa perte.

Elle est revenue le lendemain avec une pochette contenant un maximum de documents, histoire de prouver qu'elle était bien Mademoiselle Françoise. J'ai pris entre mes main son extrait d'acte de Naissance. J'ai trouvé ce document magnifique: il était écrit à la plume, les lettres étaient rondes et bien formées, les mots parfaitement lisibles, comme ces vieux documents d'époque. Je n'ai pu m'empêcher de lire son contenu en entier.
"L'an mil neuf cent trente et un..., est née ce jour Françoise ..., fille de ... et de Jean-Baptiste né le ... de l'an mil huit cent quatre vingt dix, médaillé de la croix de guerre, chevalier de la légion d'honneur, professeur agrégé..."
Elle m'a demandé pourquoi je restais ainsi à contempler son extrait de naissance et je lui ai tout simplement répondu que j'étais admirative, et captivée par l'histoire de son père. Ses yeux se sont mis à briller, émue jusqu'aux larmes, et m'a raconté l'histoire de son papa qu'elle aimait encore tant.

Jean-Baptiste est né en 1890. En 1911, soit à l'âge de 21 ans, il a quitté sa famille pour aller faire son service militaire qui à l'époque durait 3 ans. Au bout de ces trois années d'obligations, il a été immédiatement mobilisé pour défendre sa patrie au cours de la Grande Guerre. Ces deux plus jeunes frères sont morts au combat, son troisième frère, gueule cassée, est revenu amputé d'une jambe jusqu'à hauteur de la hanche, Jean-Baptiste est rentré chez lui à l'issue de la Der des Der. Il est resté 4 ans sur le front, il en est ressortit vivant et presque indemne on ne sait par quel miracle.
Son frère a survécu quelques années mais est décédé des suites de ses blessures. Sa mère ne s'est jamais remise de la mort de ses trois fils. Elle a perdu l'esprit au fil des années, et un soir, alors que Françoise était encore enfant, sa Grand-Mère s'est enfuie dans la nuit en chemise. Nul ne l'a jamais revue, et malgré les recherches, son corps n'a jamais été retrouvé.
Jean-Baptiste, après la Guerre, s'est marié et a poursuivi des études pour devenir professeur agrégé, haute distinction à cette époque. Il eu 4 enfants: une fille aînée, un fils, une petite fille décédée à la naissance et Françoise née en 1931. Françoise était appelée "l'enfant de nos vieux jours": en effet, sa mère avait 31 ans quand elle est née, son père 41 ans; à croire qu'ils étaient déjà beaucoup trop vieux tous les deux pour avoir un dernier enfant.
Françoise a connu les bassinoires pour réchauffer le grand lit dans lequel elle dormait avec sa grande soeur, a connu l'installation de l'eau courante dans les foyers, a traversé la seconde guerre et a admiré son père toute sa vie.

Françoise ne s'est jamais mariée et n'a jamais eu d'enfant. Elle n'a eu que rarement l'occasion de parler de son père qu'elle aimait tant. J'ai vu en elle cette petite fille admirative et amoureuse de son papa, j'ai vu des étoiles briller dans ces yeux en évoquant avec fierté l'histoire de cet homme qui a compté plus que nul autre dans sa vie.
Une fois la plainte prise, elle m'a embrassée sur la joue en me remerciant de ne pas l'avoir traitée comme une vieille Mamie, et d'avoir fait revivre son père quelques instants.
- "Qui connaîtra l'histoire de mon papa après moi?" me demanda t'elle.
Je ne sais pas...

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Commentaires
S
ça faisair un bail que je n'étais pas passée : je pensais que Martine serait en congé !!!! honte à moi !
N
Toi... et nous tous, qui te lisons !<br /> Rassurez-vous Mademoiselle Françoise: nous nous souviendrons de l'histoire de votre papa...
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