Le coeur a ses raisons

Tous les jours, des couples se brisent.
Tous les jours, des familles se déchirent.
Tous les jours, l'amour d'un foyer se transforme en haine.
Il y a des séparations qui se font dans le respect, d'autres qui engendrent la souffrance, et d'autres encore qui se terminent dans la destruction.

Quand ils poussent la porte du commissariat, c'est pour irrémédiablement se venger. La vengeance, voici la seule chose qui les anime. Se venger en faisant tout pour détruire l'autre. On assiste à un combat où tous les coups sont permis. Et la tendance, c'est d'utiliser les enfants.
On finit par les connaître: à force de les voir l'un après l'autre pour déblatérer leurs rancoeurs, on apprend tout de leur vie. C'est juste vomitif.
Des liens se créent. Rien à voir avec l'amitié ou le respect, juste qu'à force de les voir débarquer, on anticipe, on explique la même rengaine, on devient leur interlocuteur privilégié. Des fois, on en a marre: "Qu'est ce qu'elle va me sortir aujourd'hui? Qu'elle veut déposer plainte pour non-présentation d'enfants parce qu'il les a ramenés avec 10 minutes de retard?", "Qu'est ce qu'il veut lui encore? Lui casser la gueule parce qu'elle voit quelqu'un d'autre?".

J'ai "suivit" la déchéance d'un de ses couples. A chaque fois qu'ils venaient au commissariat, ça tombait sur moi. A chaque fois qu'ils s'engueulaient, je me trouvais justement dans le véhicule qui intervenait.

La dernière fois que je l'ai vu, il venait de balancer par la fenêtre toutes les affaires de sa femme et de ses enfants. De colère, de rage, de dégoût, parce qu'il n'avait pas obtenu la garde de ses gosses, parce qu'elle avait gagné...
Je l'ai engueulé. Il m'a saoulé, toutes mes tentatives pour lui faire lâcher prise avaient échouées, tous mes conseils n'avaient servit à rien, ma compassion ne lui avait été d'aucune utilité. Alors je lui ai gueulé dessus, parce que ça me fatiguait de toujours venir pour ses conneries, parce que c'est la seule chose que je n'avais pas faite, parce que c'est le seul truc qui me restait en réserve.
Il s'est excusé, à ramasser toutes les affaires et à tout ranger chez lui, me disant que j'avais raison, qu'il allait tout faire pour ses enfants. Avais-je réussi? Finalement, fallait-il juste ça pour qu'il s'apaise?

Le lendemain, il a scié le tuyau de gaz de ville de son domicile et a allumé un briquet au dessus du souffle.
Son appartement a explosé. Il est mort, recroquevillé sur sa douleur, les chairs brûlées.
J'étais au commissariat quand j'ai reçu l'appel: explosion au 24 rue des Âmes Perdues.
Des liens se créent. Pas besoin d'attendre le compte rendu de la patrouille intervenante pour savoir de qui il s'agissait...
Elle a gagné. Ses enfants ont perdu: leur père s'est suicidé parce qu'il avait trop mal.
Moi aussi j'ai perdu...

Comments

[Séverine]

wahou....des bises ma caille...

[nataska35]

Quelle horreur ! Comment deux êtres qui se sont aimés, qui ont choisi d'avoir un enfant ensemble, peuvent ils en arriver là ? comment la mère va t'elle explqiquer ça à ses enfants ??

[amelimelo]

Et on appelle ça un "fait divers"...
C'est terrible.

[Sophie]

Mon Dieu...