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Just A Flic
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Just A Flic
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23 mars 2008

Femme de Flic

"S'il arrivait quelques chose?"
Je pense que c'est la hantise de toutes personnes dont la moitié exerce un métier à risque. Oh! Tous métiers ont leurs avantages et leurs inconvénients! Les blessures, la mort peuvent toucher n'importe qui n'importe quand. Mais certains métiers sont statistiquement plus risqués que d'autres. On peut mourir d'asphyxie au fond d'une mine, se faire arracher la main dans une machine à l'usine, se faire renverser en nettoyant les bordures d'autoroute, périr au feu, prendre une balle...
Le pire du pire, c'est quand le conjoint exerce la même profession. Avoir juste une vague idée de se qui pourrait arriver est une chose. Connaître réellement les risques en est une autre. Le plus facile, c'est de faire semblant et de ne pas penser à ce qu'il pourrait arriver. Le plus dur, c'est de faire semblant et de ne pas penser à ce qu'il pourrait arriver. Pas évident, ambigü, cornélien...

Le téléphone sonne.
Son premier réflexe est de porter sa jambe à l'autre bout du lit pour vérifier qu'il est bien rentrer. Un simple geste, toucher sa jambe du bout du pied, ressentir la tiédeur rassurante de son corps, le poids lourd qui déforme le matelas, et écouter la respiration lente de l'homme qui dort du sommeil du juste. Si l'on a tout ça, alors ça veut dire qu'il est rentré comme d'habitude, à la même heure que d'habitude, en entier comme d'habitude... Ou presque. Mais il est là.
Elle ne ressent que le froid. Pas de poils qui chatouillent ses orteils, pas de masse sur le côté gauche du lit, juste le froid parce qu'il n'est pas encore venu se coucher.

Deuxième sonnerie.
Elle regarde l'heure: 06h37. D'habitude, il rentre à 05h00. D'habitude, il l'appelle immédiatement quand il a du retard. C'est ce qu'ils ont convenu. C'est leur mode de fonctionnement. S'il se passe quelque chose, ils s'appellent. S'ils ont du retard, ils s'appellent. Interdiction formelle de laisser l'autre dans le doute. Ils sont flics, ils savent ce qu'il peut arriver. Même si l'appel ne dure que quelques secondes, que l'autre n'ait le temps de répondre, on appelle. "C'est moi, il se passe ça, je vais bien." Elle ne veut jamais se réveiller au petit matin sans savoir pourquoi il n'est pas rentrer. Il ne veut jamais entendre les sirènes des véhicules Police en renfort passer le pont et se diriger vers sa moitié sans savoir pourquoi.
Pourquoi tout ça? Parce qu'ils sont flics. Parce qu'être flic, c'est être une cible potentielle dans la rue, c'est être confronté à la violence, à la haine, à la fatigue, à l'échec, au danger. On peut être blessé au cours d'une intervention, on peut avoir un accident en allant sur une intervention, on peut se faire renverser en protégeant les lieux d'un accident, on peut plein de choses impossible à énumérer. On le sait, c'est tout.
Il fait parti d'un groupe un peu particulier qui va au feu en première ligne. Elle le sait, elle tremble, elle ne dit rien, elle a confiance en lui mais nul n'est à l'abri.

Troisième sonnerie.
Elle prend le téléphone qui est à côté d'elle et regarde le numéro. Elle ne le connaît pas. Quand il appelle, son nom apparaît sur le téléphone. Mais ce numéro lui est inconnu. Si on jour il doit nous arriver quelque chose, c'est un de nos collègues respectifs qui nous appelle. Si un jour il doit nous arriver l'irrémédiable, c'est une délégation qui se pointe à ta porte pour te faire part de la triste nouvelle. Là, le téléphone sonne, mais ce n'est pas son numéro. Alors son sang ne fait qu'un tour, son ventre se serre et elle ne veut pas répondre.

Quatrième sonnerie.
Elle se lève, écoute le silence pesant de l'aube. Son manteau n'est pas à sa place, ses chaussures ne sont pas dans l'entrée, ses clefs ne sont pas posées sur le meuble. Il n'est pas là. Elle se rend dans la chambre de l'enfant pour lui caresser le visage et le contempler une fois encore avant que tout ne change. Elle entend au loin la cinquième et dernière sonnerie. Elle a peur.

Elle se décide à écouter la messagerie. Elle entend sa voix qui lui dit qu'il est en retard, qu'il s'est passé un truc grave, qu'il va bien, que son collègue est blessé, et qu'il rentrera tard. Il dit aussi que son téléphone est mort, que c'est pour ça qu'il appelle avec un autre numéro, qu'il pense à nous.
Son ventre se tord un peu plus fort. Dieu merci il va bien! Mais le soulagement fait place à nouveau à l'inquiétude: qu'a t'il bien pu se passer? Elle se recouche, mais ne se rendormira pas. Elle veut le voir, vérifier qu'il se porte bien, que ses vêtements ne sont pas déchirés, que sa peau n'est pas balafrée, que ces os sont en entier, que son coeur n'est pas brisé. Elle veut juste le voir rentrer: alors seulement Martine se sentira mieux.

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Commentaires
P
J'connais tout ça! Ma moitié et moi faisons partie d'une section d'intervention de première ligne également. Quand nos shifts ne sont pas les même, nous avons, même en dormant, une oreille attentive pour le téléphone! Chouette Blog, je te suis beaucoup et je me réjouis tjs de nouveaux articles...Bonne continuation!
N
L'angoisse est palpable, dans tes mots... Rien que quand Pat partait travailler en moto, je n'arrivais à être totalement rassurée que lorsqu'il était rentré chez nous... et 5 mns de retard, c'était un flot d'angoisses, de "et si..."<br /> Comme j'imagine... Quel métier difficile, quand même ! il faut vraiment avoir la foi pour continuer tous les jours...
S
wahou...
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